Et si le ressort était cassé ?
Les bilans de la saison 2020 fleurissent comme au temps où la tauromachie poursuivait son bonhomme de chemin entre Charybde et Scylla. En cette fin d’année, ils tentent de donner du sens à une saison qui, malgré elle, en a bien été privée. Accordons leur le mérite de tracer l’historique de la condamnation de la tauromachie à une brutale mise à pied, comme toutes les autres activités sociales, économiques, culturelles, cultuelles, artistiques ou sportives l’ont été par la pandémie.
Annus horribilis pour certains, année de transition pour d’autres, illusion d’un nouveau modèle pour quelques uns, 2020 a-t-elle réussi à susciter la saine prise de conscience de la gravité de la situation susceptible de provoquer une catharsis pouvant ouvrir la voie à un avenir meilleur ?
Le test des États Généraux des Tauromachies en sera un indicateur à l’heure où les premières annonces pour la prochaine saison – toutes aussi louables et méritoires qu’elles soient – ne laissent rien augurer d’autres que le souhait de sauver les apparences comme on sauve les meubles.
Or, il y a pourtant des signes positifs : des taureaux plus beaux que jamais hantent les herbages, les professionnels, dont la raison d’être est d’exercer leur art, sont particulièrement motivés, les jeunes en formation dans les écoles piaffent d’affronter le bétail, les organisateurs sont prêts à remettre le couvert. Mais l’enjeu majeur sera de mesurer si le public est prêt à retourner dans les arènes comme il le faisait auparavant sans trop manifester ses exigences ; le défi sera aussi, et surtout, d’en conquérir de nouveaux.
Par ailleurs, cette saison manquée a permis à nombre d’aficionados d’analyser leur propre attitude face à une offre inégale et souvent décevante en consommateurs de spectacles taurins qu’ils sont. Cela ne saurait suffire, leur engagement militant pour défendre la cause devra être recherché, mais, même si c’est le cas, pour quelle tauromachie ? D’évidence la corrida ne se justifie au XXIème siècle que si elle est éthique et promeut les valeurs d’authenticité qu’elle a légitimement conquises et parfois oubliées.
Le coup d’arrêt de 2020, qui va se poursuivre plusieurs mois encore, peut être fatal dans le contexte de bienpensance animaliste qui nous contraint. Aussi en ces temps incertains, l’avis des aficionados ne saurait être ignoré par les décideurs, cela exige de leur part d’engager le dialogue pour obtenir de la cohésion et tendre au rassemblement de la communauté taurine.
Alors qu’espérer pour 2021, a minima, une « meilleure » année !