Édito d’Octobre 2024 : Le lexique taurin se modernise par Daniel Garipuy
En matière de commentaires taurins, l’objectivité n’existe pas. A la sortie des arènes les avis sont en règle générale partagés, source de débats enflammés. Mais à quelques exceptions près, dont les deux revues françaises Toros et ToroMag, les reseñas de la presse taurine versent trop systématiquement dans le dithyrambe et dans l’atténuation de ce qui s’est passé comme si la réalité pouvait gêner. Pour certaines dont l’une des plus lues, Mundotoro, il suffit de savoir qui les finance pour le comprendre. Pour d’autres à l’audience plus limitée, on peut penser que leurs revisteros hésitent à se monter critiques vis-à-vis de leurs copains du mundillo, ou plus trivialement qu’ils sont soucieux de conserver leurs places dans le callejon.
Mais pour qui sait lire entre les lignes, quelques euphémismes nous mettent sur la voie. En voici un florilège qui pourrait nourrir un lexique taurin moderne.
Côté toreo
Toreo prudent : fuera de cacho et sur le pico,
–Toréer sur les bordures : toréer fuera de cacho,
–Le travail du torero n’a pas eu d’écho sur les étagères : on s’est ennuyé ferme,
–Le toro ota toute transmission à son trasteo : le toro a dominé, le torero a été débordé.
Pour le moment de vérité
– Estocade habile : julipié qui est au mieux bas, en fait le plus souvent un bajonazo,
– Une lame plus efficace qu’orthodoxe : un vilain bajonazo,
– Conclusion laborieuse : façon de passer sous silence le nombre d’estocades ratées,
Ou encore : le torero s’est un peu égaré les armes à la main, les aciers n’ont pas été exemplaires, la mort ne fut pas à la hauteur, une mise à mort approximative…
En matière de présentation et de comportement du toro
–Toro commode de tête : un taureau cornicorto ou brocho,
–Toro « très » commode de tête : soupçon avéré d’afeitado,
– Une variante, des défenses sans excès : un toro sans cornes,
–Toro collaborateur : toro soso qui bouffe la muleta bêtement, on s’ennuie ferme,
–Toro partenaire : comme le précédent. Aucune émotion. Où donc est l’éthique ?
–Toro discret au cheval : toro peu ou pas piqué,
– Toro modeste sous le cheval : même chose,
– Manque de transmission : toro de jeu limité, de peu de fond, sans force ni combativité,
–Toro juste de force : faible voire invalide,
–Toro intoréable : toro qui se défend,
–Le torero a indulté le toro : non, c’est le palco qui décide la grâce.
D’une façon systématique la faute d’une faena inaboutie est reprochée au toro et jamais au torero, la faute souvent à un toro qui n’offre pas d’options la préférence étant donnée à un toro qui sert, qualifié parfois de toro avec de la classe ce qui veut dire qu’il charge sagement la tête fixe.
Cette énumération est loin d’être exhaustive mais, derrière les mots, elle illustre et accompagne le glissement actuel vers l’affadissement du toro, vers le triomphalisme, in fine, vers la corrida spectacle.
Vous pouvez enrichir ce lexique des euphémismes, périphrases et autres litotes que vous rencontrez au fil de vos lectures.
N’hésitez pas à nous apporter vos contributions à l’adresse suivante:
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Daniel Garipuy