AMBATO 19 février 2023
reseña par Jean Michel Sieklucki
QUAND PERERA FAIT DES MIRACLES
On pouvait penser que la présence du grand Miguel Angel Perera attirerait plus de monde le dimanche, il n’en fut rien et le cirque ne fût rempli qu’à moitié. Il est pourtant à noter (à l’intention des empresas français et espagnols) qu’ici en Equateur les aficionados de « tercer edad » (plus de 65ans) payent moitié prix. Le temps était plus clément que la veille et un soleil vertical et puissant a brillé une grande partie de la corrida nécessitant sombreros et ombrelles.
Les toros de Mirafuente et Vista Hermosa de Cristobal Roldan nous donnèrent le pire et le meilleur. Le second et le troisième furent indignes d’être présentés dans une arène pour un trapio de chèvre et des cornes minuscules et laides. Si les autres, mieux présentés, notamment le 5ème, ne furent pas animés d’une combattivité excessive, le 2ème et le 3ème montrèrent une mansedumbre paroxystique les faisant sortir de la première passe, subie
de mauvais cœur, pour se réfugier aux planches et de préférence près de la porte de sortie.
David Garcon, jeune équatorien, prenait l’alternative. Un public entier derrière lui l’attendait. Il hérita du premier toro, un joli castano, qui semblait promettre. Il entama avec élégance sa faena par de jolis doblones et une
belle série droitière qui fit jouer la musique malgré son désarmement en fin de passe. Le toro sembla comprendre le jeu et tourna vite en sortie de passe.
La série à gauche s’avéra plus difficile. Curieusement, après seulement quatre séries et au lieu de s’arrimer et de poursuivre son travail le jeune maestro prit l’épée pour tuer un toro qui n’avait été vraiment torée ni dominé à
aucun moment. L’animal, tête haute, ne se laissa pas faire et ce fut un échec complet. Quatre tentatives avant une mort longue et pénible.
Il lui fallut ensuite patienter pour toréer le sixième toro de la tarde. Un Vista Hermosa castano de belle présentation. Notons que tous les toros de la feria
se situaient autour de 450 kilos. A partir de là et sous les cris d’une foule en délire le jeune et nouveau torero fit la démonstration de sa volonté mais aussi de ses lacunes techniques. On ne vit aucune passe classique, croisée et
templée, mais beaucoup de pirouettes et d’incitations au public qui, soi dit en passant, n’en avait guère besoin. La « chula quiteno » jouée par l’orchestre avait déjà chauffé les esprits. Des desplantes excessifs concluant des séries aux molinetes répétitifs à distance. Le public demanda à nouveau l’indulto qui, moins que jamais, ne se justifiait. Le torero hésita, puis se décida à tuer, ce qu’il fit d’ailleurs fort bien. Une épée bien placée et à effet immédiat, le toro allant mourir au centre, déchaina joie du public. Deux
oreilles furent coupées sans la moindre hésitation. L’une pour le coup d’épée et l’autre pour l’Equateur. C’est du moins mon avis. Prendre l’alternative et sortir a hombros avec son illustre parrain, ce ne fut pas rien pour ce jeune
garçon sympathique.
Le parrain en effet, le grand Miguel Angel Perera, nous fit une remarquable démonstration face à ses deux toros totalement différents l’un de l’autre. Le premier, noir, minuscule et cornicorto ne pensait qu’à fuir son adversaire. Il laissa cependant le temps à Perera de montrer son talent immense par un joli quite par chicuelinas et une entame de faena en statuaires dont il a le secret.
Pour le toro ce fut tout. Il se réfugia alors aux planches et refusa d’en sortir.
Perera prit alors la décision d’aller le toréer sur son terrain et dans un mouchoir de poche donna un spectacle surprenant. Il s’enroula le toro autour de lui en plusieurs séries arrachées de force à ce toro indigne. Redondos de
gauche et de droite, il réussit ce tour de force de nous offrir une improbable faena qui souleva l’enthousiasme d’un public étonné. Il tua d’un joli coup d’épée et j’aurais volontiers octroyé une oreille pour cette étonnante
performance, mais le toro fut interminable à mourir, se couchant et se relevant sans cesse, et le descabello très laborieux.
Le second toro de Perera fut un Vista Hermosa castano de jolie présentation.
Fuyard à la cape, il fit cependant exploser en deux morceaux la puya du picador sous une poussée brutale. Beaucoup trop de capotazos des péons lors des banderilles. Belle entame de faena aux planches avant d’amener le toro au centre et de constater, ô surprise, qu’il accepte d’y rester. Et là le maestro nous offre de magnifiques séries. Une droitière formidablement
templée comme il sait le faire, compas largement ouvert et la main tirant le toro au plus loin. Ensuite il nous donna un toreo de proximité de belle facture à droite comme à gauche avant d’aller à genoux, pour la plus grande joie du
public, toréer toujours au centre du ruedo. Surgit alors une nouvelle pétition d’indulto à laquelle Perera et le président surent fort heureusement résister.
Un magnifique volapie bien placé et profond suivi d’une mort rapide eut pour effet de libérer deux oreilles amplement méritées.
Angel Tellez fût pour moi décevant. Comment le critiquer à son premier toro qui fût la copie conforme du premier de Perera. Aussi noir, aussi petit et aussi court de cornes. Et surtout aussi manso. Il permit seulement à Tellez une
bonne série de cape avant d’épuiser au cheval le peu de forces et d’envie qu’il avait. Il alla lui aussi se réfugier contre les planches et le maestro n’eut pas la science de Perera pour aller l’y toréer. Deux épées médiocres et
tombées mirent fin à ce spectacle attristant. Notons tout de même un moment original. Alors que le maestro préparait son entame de faena et que sa cuadrilla ne réagissait pas, c’est Perera lui-même qui sortit du burladero pour aller placer le toro de son camarade. Un Perera à la fois grand et modeste.
Le second toro de Tellez sorti en cinquième, comme par hasard, était sans doute le plus beau de la feria et le mieux armé. Toro noir qui offrait une belle charge d’entrée. Le maestro ne brilla pas à la cape et pas davantage à la mise en suerte au cheval. Une entame classique par doblones bien exécutés préluda à des séries peu motivantes. Devant un toro qui chargeait bien le
maestro ne se croisa pas et se contenta de faire des passes sur le chemin sans vraiment toréer. On vit alors le toro s’éteindre, faute de forces suffisantes, et Tellez lui arracher in fine quelques jolies manoletinas avant de
planter une mauvaise épée qu’il dût remettre. La seconde fut une media bien placée nécessitant un recours au descabello. A aucun moment je ne sentis ce torero sûr de lui et confiant. Il faudra le revoir dans de meilleures
circonstances. Cependant un grand maestro sait tirer de n’importe quel toro, si mauvais soit-il, le peu de qualité qu’il porte en lui. Miguel Angel Perera en a fait ce soir l’éclatante démonstration.